Le triomphe modeste
Un autre spectateur, croisé sur le trottoir en partant, m'a lancé: "vous avez le triomphe trop modeste!".
Alors je pourrais continuer à me tresser des lauriers sur l'autel d'une immodestie légitimisée par un public que je ne connais pas et qui s'avère chaque année toujours aussi enthousiaste. Mais l'analyse des raisons de mon succès je l'ai déjà faite précédemment.
Je rajoute seulement aujourd'hui un paramètre important qui explique les envolées de rires sonores décomplexés qui se sont succédées mardi soir.
C'était la fin de soirée: le public s'était tapé une série d'artistes (assez bons de manière générale) variés, et je crois que je suis arrivé à bon escient pour leur permettre de lâcher les vannes de la concentration, de l'écoute curieuse et respectueuse. D'ailleurs, certains ont commencé à se marrer rien qu'en me voyant arriver: costume noir, cravate rétro, lunettes fifties, calvitie finissante. Je plante le décor par moi-même. Que voulez-vous: mon allure se rapproche plus de woody allen que de jim morrison.
Une des artistes qui était venue jouer m'a conseillé d'assumer et de prendre franchement à bras le corps mon potentiel comique.
Ce qui nous ramène à la réflexion récente suite à la scène ouverte du Bijou: entre chercher à provoquer l'émotion du beau ou l'émotion du rire, mon coeur ne doit plus balancer. Le beau je vais me le réserver pour les enregistrements à la maison.
J'ai revu aussi le super guitariste qui jouait avant moi au Bijou. Figurez-vous que sa prestation a plu au Dieu de ce haut-lieu historique de la chanson française, qui lui a offert une résidence suivie de deux dates de concerts. On en a discuté vite fait mardi, et je lui ai dit ce que j'avais pensé du gros con. Il m'a raconté que pour lui l'entrevue avait commencé ainsi: "Bon, y'a tout à faire ! Ok c'est virtuose, etc, mais ça on s'en fout..."
Vous voyez le genre.