La tomate

    C'est toujours un miracle un fruit qui naît. Imaginez: nous sommes au quatrième et dernier étage, avec un balcon orienté ouest, battu par le vent d'autan et accablé l'été par la réverbération sur les murs blancs. Ce printemps, avec courage nous avons acheté quantité de petits pots et jardinières, ainsi que des graines de toutes sortes, fleurs et herbes aromatiques. Très vite le succès nous a grisés: de jolies petites pousses vert tendre apparurent. Nous avions recrée la vie végétale! Nous imaginions déjà notre balcon forêt vierge, et les palabres à l'ombre des ficus. Hélas: le basilic s'est figé à 1,5 cm de hauteur et survit modestement ainsi depuis: la ciboulette culminant à trois centimètres d'altitude, a fini par jaunir aux sommets, maintenant elle ressemble aux pelouses des camping espagnols en fin de mois d'août. Bien sûr j'ai tout de même réussi à relever quelques salades avec les brins du romarin acheté sur pied celui-là, mais ça n'avait pas la même saveur que si nous l'avions fait pousser de nos propres mains vertes. De toute façon même lui n'est plus aujourd'hui qu'un squelette pétrifié.

Mais nous avons eu quelques plaisirs tout de même: de superbes capucines rouge vermillon qui étalaient leur splendeur mais vu l'état des pieds qui les avaient enfantées, nous savions bien que ce n'était qu'un chant du cygne.

Et puis un jour, miracle. Cachée sous les feuilles, là, oui, c'en était était bien une, seule, maigrelette mais appelée à vivre: une tomate ! Un fruit ! Hallelujah !!! La vie qui frappe à la porte, le souffle inexorable de la vie qui gagne toujours. Je l'ai laissée grandir sans trop m'en préoccuper. Je l'avais même oublié pendant le grand week-end. Et puis hier, une image étrange: le pied de tomate avait perdu toutes ses feuilles. Juste la forme aléatoire de la tige, ses ramifications mises à nues, et puis la tomate. Mure. 1,5 cm de diamètre. D'un rouge vif orangé. Il n'était pas dit que sa mère ne l'enfanterait pas vivante. Sacrifice divin.

                                    

Ce matin la tomate est tombée de sa branche. Le pied finira au cimetière des plantes d'appartement.
Le fruit je l'ausculte du bout de mes doigts, je le convoite, je salive, je vais le croquer et l'aimer plus que toute autre tomate cerise jusqu'alors. LE fruit. Une part de moi. Communion des êtres. Reconnaissance mutuelle. Je t'ai permis de vivre, et maintenant je te croque. L'état sauvage et beau. CRoKKKKKKK !

Bof, un peu trop acide.

Comments

[juliette]

juste pour ta gouverne mon doux, le vent d'autan est un vent venant du Sud Est (mer méditerrannée), nous de notre balcon, sommes sujet au moins exotique vent d'ouest...
et au fait comment a-tu pris, je dirais même surpris la tomate en train de tomber?