Les tournants musicaux
Le lien de fan qui me lie à Matthieu Boogaerts ne date pas d'hier (voir dans mon autobiographie). Suite à la sortie de "Michel" en 2005, je m'étais attelé à lui envoyer un long mail où je lui disais que ma "carrière" artistique avait été en grande partie inspirée ou du moins avait évolué en connection avec la sienne depuis ses débuts en 1995.
Et pourtant j'en appelais à un sursaut de sa part, étant un peu attristé de le voir se ramollir d'album en album et se rapprocher de plus en plus dangereusement du spectre stéréotypé du chanteur français nombriliste et dépressif, lui qui avait su me séduire au départ par une fraîcheur rythmique sautillante et ludique, un inventivité dans les gimmicks en tout genre. Alors je le conviais à se réveiller un peu, retrouver le rythme, du funk, de la joie. Je le sentais à un tournant.
Figurez-vous que son dernier album, sorti hier et acheté aujourd'hui est incroyablement proche de ce que j'avais imaginé pour lui. C'est fou. M'a-t-il lu ? Mystère. Pour la belle histoire je pourrais me dire que oui. J'ai d'ailleurs épluché la case des remerciements, pourquoi pas un petit "merci à sébastien de Toulouse",... Hé non.
En fait, voilà ce qu'il a dit en interview:
"Avec Michel, mon album précédent, j’ai eu l’impression d’avoir bouclé quelque chose. Je n’ai jamais été aussi peu frustré à la fin d’un disque. D’habitude, j’avais l’impression d’avoir raté quelque chose et je me disais que j’allais devoir faire mieux la fois d’après. Là, j’ai eu la sensation que s’il s’arrêtait avec Michel, mon parcours aurait une certaine légitimité. Du coup, j’ai ressenti une liberté que je n’avais jamais éprouvée – ou alors au tout début, avant mon premier disque, quand tout semblait possible."
J'en conclu que mon idole pensait comme moi: il fallait repartir autrement. La voie qu'il a choisi est risquée: il n'hésite pas à malmener sa voix aigrelette jusqu'à la frontière du ridicule parfois, en assumant ses limites; il n'hésite pas à mélanger anglais et français bien que ce ne soit pas très nouveau et un peu façile; ses paroles volontairement "premier jet" et parfois inspirées par le dernier Katerine sont en dessous des anciennes à moins qu'elles ne se bonifient à l'écoute; le genre et le son qu'il empreinte (du punk-rock au funk début 80) est un peu trop dans l'air du temps (ainsi que sa façon de faire sonner le français et choisir ses mots). N'empêche: douze chansons péchues par Boogaerts ça ne se refuse pas. Il a un peu fait l'album que je comptais ou que j'aurais aimé faire. Notre aventure commune continue. Super Matthieu !