Scène 4

                - Alors on a gagné combien aujourd'hui ?

Pierretouque retourne le chapeau dans sa main et compte les pièces.

         - Cinq pauvres pécus, Marrandesh ! Quel désastre. Il faudrait peut-être changer d'endroit.

         - Ce n'est pas une question d'endroit, Pierretouque. Les gens dans la rue ne s'arrêtent pas, ils sont trop pressés. Ils ont autre chose à faire que de regarder notre spectacle.

          - Moi je l'ai vu et je l'ai adoré votre spectacle !, lance un gros monsieur qui vient d'ouvrir la vitre fumée de sa limousine.

     Voilà trois mois que nos deux soukeros font la manche sur le trottoir et c'est bien la première fois qu'un passant leur fait un compliment. Celui-ci en plus à l'air d'être quelqu'un d'important. Il sort de sa grosse voiture et tend alors sa main ornée de bagues tape à l'oeil.

          - Benny Gordini! Enchanté les gars. Vous avez du talent, j'ai quelque chose pour vous. Le Gran Palacio vous connaissez ? Je vous laisse la scène tous les samedis soirs si vous voulez !

Pierretouque et Marrandesh sont interloqués.

          - Bon, par contre en échange j'aurai besoin que vous me rendiez des petits services de temps en temps, poursuit Gordini avec un clin d'oeil.

           - Quel genre de services, s'inquiète Marrandesh.

           - Voici ma carte ! Je ne vous en dis pas plus. Réfléchissez bien...

Le voilà reparti dans sa limousine.

Pierretouque exulte.

           - Tu te rends compte Marrandesh ! Ca y'est on va enfin connaître le succès, et puis on va se faire plein d'argent.

           - Moi il ne me dit rien ce type. Il ne m'inspire pas du tout confiance même ! De quoi il a voulu parler avec ses services ?

           - Tu préfères peut-être continuer à jouer dans la rue devant personne ?! Pas moi en tout cas. Direction le Gran Palacio ! Tu me suis si tu veux, moi en tout cas, samedi prochain, je suis célèbre !