Scène 3
Pierretouque exulte. En contrebas, un tapis de toits fumants, d'immeubles géants et un brouhaha de moteurs se dévoilent aux deux marcheurs épuisés. Ils se mettent alors à dévaler la colline, puisant dans l'excitation leur dernières forces motrices. Enfin ! Le tumulte, le mouvement, la liberté de la ville, et ce succès qui leur tend forcément les bras.
Dans les grandes artères grises saturés d'automobiles et de piétons, les deux compères un peu hébétés naviguent à vue, ne sachant où donner de la tête. Le grand Pierretouque ouvre la marche, tenant dans sa main droite un bout de papier froissé.
Effectivement les deux soukeros sont maintenant devant la plus célèbre salle de spectacle de la ville. Un homme à l'air fermé se tient devant l'entrée. « Que voulez-vous? », lance-t-il méchamment.
L'homme à l'entrée éclate alors d'un rire si sarcastique, qu'il sonne d'emblée comme un camouflet pour les deux artistes demandeur d'emploi.
Et puis l'homme s'en va, et la pluie se met à tomber sur les baluchons de nos deux exilés.
- Ca commence bien en tout cas ! Marrandesh fait mine de repartir, et fixe d'un air inquiet son compère de toujours. « Et maintenant que la nuit tombe, qu'est-ce qu'on fait ? ».
Sur le trottoir, une armada de pauvres gens en guenilles installent chacun leur cabane de fortune en carton pour la nuit. Ebahis par la découverte soudaine du spectacle de la misère en ville, Pierretouque et Marrandesh échangent un regard lourd, et s'apprêtent à passer leur première nuit dans la rue.