Plaisirs directs et indirects
Mais revenons un peu sur les émotions de la réception artistique. Prenons un exemple.
Au cinéma: a)Comédie: le rire me détend, l'humour me semble beau parfois, et lorsqu'il est associé à des tranches de vie dans des films cela me fait aimer la vie et embellit la réalité. Ces impressions peuvent avoir des influences durables sur le plaisir à vivre de situations du quotidien.
b)Drame: on n'est pas si loin du rire. Pleurer ou rire devant un film ont à voir avec l'empathie envers les personnages, les situations. On "rentre dans l'histoire" comme on dit, c'est donc de la vie par procuration, de la vie virtuelle, avec toute sa palette d'émotions.
c)L'oeuvre: le cinéma n'est pas que faiseur d'illusions, il est aussi oeuvre d'art et par la mise en scène, la photo, l'écriture, engendre aussi des émotions de plaisir du beau, qui va de pair chez moi avec ce que j'appellerai le "souffle aux poumons", une sorte de vague de plaisir qui me submerge. Pour ressentir ce souffle il me faut entrer en résonnance avec le propos artistique (propos au sens large et pas seulement langagier). (Nota bene: Cette résonnance n'est pas partagée au même moment par tous les individus. Mais nous en reparlerons.)
Mais l'émotion n'est pas que le souffle entraîné par la résonnance. Car le cinéma et d'autres arts font aussi réfléchir ou vagabonder l'esprit, et par entraînement de proche en proche, vous font atteindre un bien être simple lié à la flânerie sprirituelle ou alors quelque chose de plus fécond, un état de réflexion intense qui peut vous faire totalement sortir du film.
Ainsi un spectacle ou une oeuvre d'art ne me procurent pas que du plaisir direct. La joie engendrée sera passée par des plaisirs indirects liés à la réflexion et au baguenaudage intellectuel. Mais aussi d'autres plaisirs indirects engendrées par le contexte du spectacle, le lieu, l'environnement humain,...
L'oeuvre a donc plusieurs portes d'entrée, sans parler des effets retardés: on a pu ne pas prendre de plaisir et en prendre les jours qui suivent, par maturation de l'impression du spectacteur.
En conclusion, j'ai pour objectif de produire un spectacle au maximum de portes d'entrée, et qui tentera d'utiliser une large palette de résonnances différentes chez le spectateur. Plaisirs directs et indirects. Rire et pleur. Souffle aux poumons et vagabondage spirituel.
Mais je serai sur scène. Et ce sera de la chanson. Et je ne m'appelle ni Robert Hossein, ni Jeff Buckley. Autrement dit, abordons demain, le charisme de l'artiste, le processus qui parvient à faire naître la matière, l'illusion, donc l'attention, donc le plaisir du spectateur.